Je cherchais un boulot sans trop de relationnel (comme certains ont besoin de temps avant de revivre une histoire d'amour je sentais que j'avais besoin de temps pour reprendre une vie relationnelle remplie).
J'étais donc super contente de trouver un boulot de "coulisses", un boulot où je n'aurais aucune relation avec le client, où on me mettrait sur mon poste et je n'aurais plus qu'à bosser ... en tête à tête avec moi-même.
Tu parles!
On est 140 à bosser de nuit dans c'te boite! Je ne serre pas 140 mais j'ai pas mal de "bonsoirs" à sortir en arrivant, de mains à serrer, de bises à faire, de discussions à tenir et de relations à entretenir.

J'ai du me faire ma place, je n'y suis pas trop mal arrivée, et je commençais ces derniers temps à me poser des questions.
Je remarque que je perds peut-être trop d'énergie à "discutailler" en surface avec des rigolos/tes et que je consacrais moins de temps aux personnes qui me correspondent vraiment et avec qui ça serait intéressant d'entretenir une relation à long terme.
J'ai donc fait un bilan de ces personnes, mis à part ma cop (avec qui je me suis super bien entendue dès le début) il n'y a que deux personnes que j'apprécie vraiment.
Donc voilà, j'ai décidé d'essayer de passer plus de temps avec eux.

Je pensais aussi aux relations-boulot en général.
Ces relations en surface justement, ce petit air de rigolade, les p'tites remarques, les habitudes du langage qui s'installent et se propagent ... et surtout le cynisme* qui donne à celui qui l'utilise l'impression de "maîtriser", d'être "in" ... "yeah, style man!" ... et qui, à mon sens, ne fait qu'éloigner les gens.
Un exemple, une personne qui était dans mon groupe quand je suis arrivée, on a donc passé la semaine de formation ensemble.
J'ai appris à la connaître, on a discuté, etc ...
On est ensuite allées sur des chantiers différents, on ne faisait donc plus que se croiser pendant 3 semaines.
On fini par se retrouver sur le même chantier ... le sien ... elle y avait fait sa place, pris ses habitudes ... j'ai remarqué qu'elle était dans cette forme de relation de "petites remarques en surface" avec les autres, et quand j'essayais de discuter avec elle, elle me répondait sous cette forme. Il a fallu quelques jours pour qu'on rediscute à nouveau "normalement".
Autre exemple, un mec qui "joue un jeu", il drague ma cop et est donc rentré dans un jeu "je te drague, tu me repousses, ça m'amuse ... je me la joue" avec elle ...
Je me suis retrouvée seule avec lui pendant 15 min et on a discuté de nous, nos passions etc ... quand ma cop est arrivée il a changé, est retourné dans son rôle de "j'ai l'esprit léger, rien n'est important".
Elle lui a d'ailleurs fait la remarque "Continues à parler avec Kori, tu discutais bien là, tu étais normal".
Même chose avec d'autres personnes, je discute "normalement" avec une personne, quelqu'un nous rejoint et l'autre change, ne parle plus de lui, du "vrai", mais sort quelques remarques rigolotes et "bien pensées" (hum hum).

Autre remarque sur les relations-boulot: "parler de soi", ou plutôt "ne surtout pas parler de soi!".
Je remarque que les gens sont frileux quand ils parlent d'eux.
La personne commence à te parler d'elle quand elle sent que tu n'es pas un danger pour elle, une source de racontars et de rumeurs.
Bon, normal, on est tous comme ça dans la vie, quand on parle de soi on prend le risque d'être jugé, de se voir coller une étiquette et de se reprendre un truc dans la gueulle (y'a des gens très très forts pour appuyer là où ça fait mal).
Mais dans le boulot c'est pire, une sorte de micro-société où tout le monde se connait donc tout circule très facilement.
Ma cop m'a prévenue, "Surtout ne dit rien à personne, ne parle pas de toi, ne fais pas confiance. J'ai fréquenté pas mal de boites et je sais de quoi je parle".
Ok.
Mais ...
Un exemple, il y a pas mal d'homos dans ma boite, ils me disent tous "je n'en parle pas, beaucoup d'homophobie et je préfère que les gens ne sachent pas".
En théorie je comprends, même si je leur dit que justement en se cachant ils se donnent moins la possibilité d'être reconnus, acceptés etc ...
Je ne suis là que depuis un peu plus d'un mois et je suis déjà au courant qu'au moins 5 personnes sont homos ... et cette nuit j'ai appris qu'une personne arrivée en même temps que moi l'est aussi (au courant).
J'imagine que tout le monde l'est si deux tites nouvelles le sont.
Je me dis donc que de toutes façons tout se sait, que si on souhaite cacher quelque chose on prend le risque qu'un jour quelqu'un s'en serve contre nous ... alors que si on est entier, transparent, confiant, si on s'ouvre de la même manière avec tout le monde les "perfides" n'ont pas de prises pour leurs perfidies puisque tout le monde est déjà au courant.

Bref ...
Je sais que ce que je raconte là est "normal", rien d'extraordinaire, tout le monde vit ça.
Ben moi ce n'est pas un milieu que j'ai beaucoup fréquenté, le monde du travail, pas sous ce mode là en tous cas. Et quand ça m'est arrivé ce n'était pas à si grande échelle, il y a une différence entre un boulot où on n'est que deux ou trois à se côtoyer, ou une tite 15aine au max ... et une boite où on "relationne" avec 140 personnes.
Je ne suis plus habituée à "jouer" sur ce mode de relationnel pour la forme mais sans fond.


*je ne mettais pas de mot sur ces attitudes avant de lire la note de Dieu des Chats qui en parle .